les 7 et 8 octobre au cinéma Le Lido à 20h30
Projections en présence de Heike Hurst, critique de cinéma.
En collaboration avec Ciné Critique, Peuple et Culture 19 et l’association Autour du 1er Mai
Article mis en ligne le 8 septembre 2010
dernière modification le 19 septembre 2010

Tarif unique : 4,5 euros/séance

Heike HURST

Professeur et critique de cinéma. S’engage avec le collectif des femmes autour de « Frauen und Film » (Femmes et cinéma) et « Brot und Rosen » (Du pain et des roses) en Allemagne. Ecrit depuis 1975 pour « Frauen und Film », également pour la revue « Jeune cinéma » et différents supports. Ces dernières années, écrit régulièrement dans « Le Monde Libertaire » et assure une émission de cinéma, ouverte sur la littérature, le théâtre et toutes les manifestations culturelles et artistiques, le mercredi (Le Manège) à Radio Libertaire.

Parallèlement, mène d’autres activités, centrées sur la transmission et l’enseignement du cinéma : présentation de l’Ecole de Berlin et des jeunes cinéastes allemands dans le cadre de journées de cinéma consacrées à ces talents émergents, modération de tables rondes, présentation et discussion autour de films. A participé récemment à la table ronde organisée par le Centre Simone de Beauvoir autour des 40 ans du MLF.

LE 7 octobre

Born in flames de Lizzie Borden

Etats-Unis 1983 90mn Fiction

Avec : Jean Satterfield, Flo Kennedy, Kathryn Bigelow...

Etats-Unis, dans un futur non déterminé : la Guerre de Libération a mis en place un régime socialiste. Mais dix ans après, la structure patriarcale de la société est toujours dominante. Discrimination à l’embauche, cantonnement dans des emplois subalternes, violences à leur encontre : les femmes en on assez de subir et de multiples groupes se constituent pour entrer en résistance et lutter par tous les moyens, même les plus extrêmes. C’est le cas de l’Armée des Femmes, initiée par Adelaïde Norris et qui regroupe surtout des femmes noires et lesbiennes...

Le film met en scène plusieurs femmes provenant de milieux différents et tente de montrer quelques exemples de la façon dont le sexisme se joue et comment il peut être traité par une action directe. Un scène célèbre est celle au cours de laquelle deux hommes attaquent une femme dans la rue et où des dizaines de femmes, avec des sifflets, sur des bicyclettes, viennent à son aide...

Film surprenant, sûrement le seul à utiliser la science-fiction dans le cinéma féministe. La musique y tient une place importante (rock, slam, reggae...) et le montage très éclaté suit son rythme saccadé. D’où une intensité qui laisse le spectateur en état d’alerte. Les images d’archives sont nombreuses, montrant une fois de plus combien la frontière est fragile entre fiction et documentaire. Ainsi, l’avocate qui soutient l’Armée des Femmes, est interprétée par une vraie avocate, Flo Kennedy, qui s’est beaucoup impliquée dans la défense des Black Panthers. Les références à une histoire récente émaillent le récit : outre l’évocation du Front Polisario, il est clair que la mort en prison de Norris évoque celle d’Ulrike Meinhof. On est donc là dans un film ouvertement politique qui aborde la révolte des femmes d’une manière originale et très radicale. Inutile de préciser que ce film n’a jamais été distribué en France, seulement visible dans quelques festivals.

Grand prix au Festival international des Femmes de Créteil en 1983.

LE 8 octobre

La vieille dame indigne de René Allio
France 1964 90mn Fiction
D’après la nouvelle de Bertolt Brecht
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Musique originale : Jean Ferrat

Avec : Sylvie, Malka Ribowska, Jean Bouise...

Portrait d’une femme, toujours restée dans l’ombre de sa famille, qui, à la mort de son mari, refusant soudain les conventions sociales et le sort du troisième âge, goûte à tout ce qu’elle n’a pas connu.

« La vieille dame indigne" est un film simple et merveilleux qui n’a pas pris une ride... Allio eut pourtant du mal à trouver un producteur pour le réaliser. On se méfiait de ce décorateur de théâtre, pourtant célèbre, qui, à quarante ans, voulait jouer à l’auteur de cinéma nouvelle vague. On se méfiait d’un scénario tiré d’une des Nouvelles d’almanach de Bertolt Brecht (trop intellectuelle, cette histoire !), de l’absence de vedettes dans la distribution prévue...

Sylvie est entrée dans le rôle, à croire qu’elle avait toujours été Madame Bertini. Vieillarde résignée puis malicieuse, dans sa longue robe noire, ses bas de coton noir, ses souliers plats, avec le chapeau « à manger de la tarte » posé sur son chignon, elle irradie d’une chaleur humaine que lui retournent Malika Ribowska, cette Rosalie qui se moque du qu’en-dira-t-on, Jean Bouise, le cordonnier anarchiste et philosophe, Victor Lanoux, le petit-fils qui comprend tout. Aujourd’hui comme en 1965, le bonheur de Sylvie nous émeut.

Jacques Siclier
Le Monde 3 juillet 1988.

« Dès son premier long métrage à succès, La vieille dame indigne, le cinéaste adapte la nouvelle de Brecht dans un sens plus large que celui de l’auteur... La vieille dame indigne, après s’être résolue à ne plus vivre « pour » les autres, une fois son mari décédé, s’affirme en tant qu’individu libre, ne devant rien à personne. Sa vie passe désormais « par » les autres, par le groupe d’amis anarchistes qu’elle a choisi, et qui lui donne envie de se réaliser. Le cercle de camarades libertaires tourne autour du cordonnier Alphonse, qui, comme le souligne Jean-Louis Comolli (Cahiers du cinéma mai/juin 1965) représente la conscience du film. Cette conscience libertaire guide la vieille Madame Berthe durant tout le film jusqu’aux derniers plans du long métrage qui affiche son portrait radieux, désormais orienté vers la lumière du soleil, ayant abandonné définitivement sa position « d’ombre » sociale et familiale. »

Isabelle Marinone
Cadrage décembre 2004.

Elle n’a vu dans les dimanches

Qu’un costume frais repassé

Quelques fleurs ou bien quelques branches

Décorant la salle à manger

Quand toute une vie se résume

En millions de pas dérisoires

Prise comme marteau et enclume

Entre une table et une armoire

Faut-il pleurer, faut-il en rire

Fait-elle envie ou bien pitié

Je n’ai pas le cœur à le dire

On ne voit pas le temps passer

Jean Ferrat