mardi 17 septembre au Lido à 20h30
Marquis de Henri Xhonneux et Roland Topor
En présence de Jean-Jacques Rue, critique de cinéma

"Ce n’est pas ma pensée qui a fait mon malheur, c’est celle des autres" Marquis de Sade

Article mis en ligne le 9 août 2013

Puisque Mémoire à Vif a choisi cette année de ranimer "ces braises qui mettront le feu à la plaine", il est impossible de faire l’impasse sur Sade qu’Apollinaire qualifiait d’"esprit le plus libre qui ait existé".
Mais s’il a inspiré de nombreux cinéastes, il a souvent été trahi et il n’y eut que de rares réussites dont ce "Marquis" de Xhonneux/Topor, rarement montré et dont l’édition DVD est épuisée.

"Sade, l’amour enfin sauvé de la boue, l’hypocrisie passée par les armes et les yeux, cet héritage suffira aux hommes contre la famine, leurs belles mains d’étrangleur sorties des poches"

René Char

Marquis

de Henri Xhonneux et Roland Topor

Créatures de Jacques et Frédéric Gastineau

France 1989 1h30

Roland Topor et Henri Xhonneux se sont retrouvés aux commandes d’un projet totalement fou en 1988 : évoquer le destin hors norme du Marquis de Sade par le biais d’un film mélangeant acteurs de chair et de sang masqués, animation en pâte à modeler et techniques proches de celle de l’animatronic.

Les deux hommes avaient déjà sévi à la télévision où, de 1983 à 1985, ils avaient réalisé une série pour enfants, Téléchat, véritable OVNI en animatronic, au graphisme et aux répliques aussi délicieusement absurdes qu’inoubliables.

L’histoire

Nous sommes en 1788. Emprisonné à la Bastille, le Divin Marquis (doté d’une tête de chien) passe ses journées à écrire Les 120 Journées de Sodome et Les Infortunes de la veuve Poignet, textes de feu qu’il lit à une jeune admiratrice, la génisse Justine. Il doit aussi résister aux avances de son geôlier, le rat Ambert. Et, surtout, argumenter sans fin avec l’insatiable Colin, son propre sexe en érection.

Un avis critique

Tout d’abord superbe sur le plan esthétique (n’oublions pas que Topor fut avant tout un très grand illustrateur), « Marquis » propose des personnages étonnants à la personnalité tranchée. Dotés de têtes d’animaux, les acteurs arrivent à exprimer par leur gestuelle toutes les hésitations de leurs personnages, ainsi que leur duplicité. Il faut dire qu’ils sont aidés par un texte savoureux, dont bon nombre de passages sont directement issus de l’oeuvre du divin marquis. Parfois cru, souvent fleuri, le langage employé par les protagonistes provoque à la fois le rire et l’admiration de tout lettré qui se respecte, ne se laissant jamais aller à la facilité. Très écrit, le film a l’originalité de confronter à l’intérieur d’un lieu clos (la prison) le marquis de Sade aux personnages de ses livres.

A travers cette fantaisie parfois fort libertine, Topor et Xhonneux parviennent à dresser un état des lieux convaincant de l’esprit des Lumières. Même s’ils prennent parfois certaines libertés avec l’histoire, ils approchent au plus près l’atmosphère d’une époque troublée.

Jamais ennuyeux, verbeux ou théorique, Marquis demeure encore aujourd’hui un formidable moyen d’aborder la littérature sulfureuse de Sade.

Virgile Dumez