Johnny got his gun de Dalton Trumbo
Article mis en ligne le 22 septembre 2014

par Webmestre

le mardi 18 mars à 20h30

En présence de René Burget de L’Union Pacifiste

Grand Prix du Jury et Prix de la Critique internationale : Festival de Cannes 1971

Avec : Timothy Bottoms, Jason Robards, Kathy Fields, Marsha Hunt, Donald Sutherland…

Une critique de Marcel Martin dans Cinéma 71

« C’est le coup d’essai-un coup de maître- d’un débutant de 66 ans, par ailleurs scénariste réputé. Après des années d’efforts-toutes les « majors » américaines ayant refusé le projet- l’auteur a finalement pu mener à bien l’adaptation de son roman, publié en 1939. C’est, sans colère et sans haine, l’une des plus impitoyables dénonciations qu’on n’ait jamais faite de la folie destructrice de la guerre.
Ecrabouillé par un obus, Johnny a été amputé des quatre membres et son visage a disparu ; mais son cerveau est vivant et il perçoit indistinctement ce qui se passe autour de lui. C’est du moins ce que nous apprenons par le récit qu’il fait en voix off de ses impressions et de ses réflexions, tandis que, cloué sur son lit de souffrance, il revit en une série de flash-backs les événements qui ont précédé son infortune. Finalement, c’est par le morse qu’il parvient à communiquer avec le personnel infirmier, et pour supplier qu’on l’achève. Hélas ! La « morale » s’oppose à ce geste de clémence et le pauvre garçon est condamné à survivre…

De cette histoire atroce et exemplaire, l’auteur a tiré un film d’une simplicité absolue, un montage parallèle de scènes d’hôpital en noir et blanc dénuées de toute violence visuelle et de retours en arrière illuminés par les couleurs du bonheur. L’œuvre est puissante et sobre, sans naturalisme et sans attendrissement : un simple constat. »

Dalton Trumbo (1905/1976)

Il a d’abord été journaliste puis scénariste à Hollywood dans les années 30. Johnny got his gun est son unique film qui sort en pleine guerre du Vietnam. Il adapte là son roman paru en 1939, deux jours avant le début de la 2ème guerre mondiale. « Après Pearl Harbour, reconnut Trumbo, le thème en semblait aussi peu approprié aux circonstances que le son de la cornemuse » ! Et il fallut attendre 1959 pour une véritable réédition car, entre-temps, victime du maccarthysme, Trumbo est inscrit sur les « listes noires ». Interdit de travailler dans le cinéma, il continue, malgré tout à écrire des scénarii sous des noms d’emprunt et ce n’est qu’en 1960 qu’il a son nom au générique d’ « Exodus » quand Otto Preminger annonce publiquement qu’il en est le scénariste. Kirk Douglas fait la même chose avec « Spartacus » de Kubrick, réalisé la même année.

Le maccarthysme

« Ce fut une époque diabolique et personne de ceux qui ont survécu, d’un côté comme de l’autre, n’en est sorti indemne » Dalton Trumbo

En 1938, est créée la Commission des activités anti-américaines qui réunit des informations sur des personnes considérées comme subversives. Mais c’est surtout à partir des années 45/50 que la guerre froide accroit la chasse aux « ennemis de l’intérieur ». La Commission concentre ses recherches sur la Californie, en particulier Hollywood, considérée comme la « capitale de la subversion ».

Trumbo est l’un des Dix d’Hollywood qui refusent, en 1947, de répondre à la question : « Etes-vous ou avez-vous été membre du parti communiste ? ». Il est condamné, avec ses camarades, à une peine de prison et inscrit sur les « listes noires »

En 1951, la guerre froide est à son apogée et une « véritable chasse aux sorcières » s’organise. Des appels à la délation sont lancés. Les communistes sont présentés par les médias comme de dangereux agents de l’URSS ; les dénoncer, c’est donc servir son pays. Certains iront jusqu’à donner plus de 400 noms. Sous prétexte de défense de sécurité intérieure les commissions deviennent un véritable appareil de répression idéologique. Le monde du cinéma n’est pas le seul touché, il y a aussi l’éducation, la radio, la littérature, les sciences… Un climat de peur, de méfiance, s’installe, faussant tous les rapports sociaux, professionnels et même familiaux
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« Dans tous les pays, il y a toujours une liste noire. C’est le moyen d’action de la société, de toute société. Ceux qui dirigent une société, ceux qui sont à sa tête, ceux qui s’y sentent bien, se défendent, défendent leurs positions en refusant un emploi, un travail, ou même la liberté à ceux qui ne sont pas d’accord avec aux. »

Abraham Polonsky, cinéaste « blacklisté »