"Do the right thing" Spike Lee vendredi 30 mars 20h30 au Lido
Article mis en ligne le 28 février 2018
dernière modification le 25 mars 2018

par Webmestre

USA 1989 (reprise en juin 2016) 2h fiction VOSTF
Avec Spike Lee, John Turturro, Samuel L. Jackson, Ossie Davis, Danny Aiello, Rosie Perez…
Présentation/Débat : Karim Madani

Le film vu par :

–  L’Institut Lumière  :
A sa sortie en 1989, Do the Right Thing donna enfin un écho cinématographique ambitieux à la culture hip hop. Spike Lee, réalisateur créatif qui s’était fait remarquer pour Nora Darling n’en fait qu’à sa tête quelques années auparavant, est sélectionné aux Oscars et au Festival de Cannes, et obtient un important succès critique et commercial… Spike Lee dépeint la vie d’un quartier tranquille où les tensions raciales peuvent faire exploser à tout moment les fragiles équilibres quotidiens. La bande-son hip hop (Public Enemy en titre phare), le montage vif et élégant, la clairvoyance du propos, hors de tout manichéisme mais néanmoins profondément politique, un casting judicieux et une mise en scène virtuose vont alors propulser Spike comme un des plus importants metteurs en scène contemporains, à la fois populaire et sans concession.


–  DVD Classik  :

De la description des évènements typiques présidant à une émeute dans les "ghettos", Do the Right Thing tire une tragi-comédie vibrante, érigée depuis sa sortie au rang de classique du cinéma contemporain. Projeté à Cannes, le film obtiendra un retentissement asseyant la notoriété d’un cinéaste engagé, aux prises directes avec les multiples ramifications de la question noire en Amérique - et son corollaire, l’oppression de classes par une minorité dirigeant le pays…
Revoir Do the Right Thing, ses altercations à répétition, son escalade de malentendus, c’est d’abord être saisi par à quel point le film peut se montrer incroyablement drôle... avant de basculer sans prévenir dans une brutalité, un chaos, qui laissent pantelant, émotionnellement dévasté.
Film pleinement de son époque…Son esthétique met en avant, autant qu’elle popularise, la culture hip-hop, ses codes vestimentaires, langagiers, musicaux bien entendu. Lee amène, sur le devant de la scène, des quartiers dédaignés, des populations occultées depuis trop longtemps par la fiction dominante. Et dans le même temps, le film est en avance sur son époque... On y évoque, déjà, la gentrification de Brooklyn. Le mécanisme programmatique dans les quartiers défavorisés de révoltes partant d’incidents pour ainsi dire mineurs jusqu’à la réponse en violence policière s’y voit disséqué avec exactitude. Négation d’un melting-pot effectif, l’œuvre de Lee montre une Amérique de classes, stratifiée jusqu’à la haine, prête à exploser à température critique. Un pays constamment au bord de la guerre civile, aux blessures historiques encore vives.

Les InRocks :

« Avant Spike Lee, les Noirs étaient bien sûr présents dans le cinéma américain y compris dans le système hollywoodien. Il y avait bien sûr la blaxploitation des années 70, ou des superstars comme Eddy Murphy, mais consciemment ou pas, ils étaient toujours apolitiques, ou instrumentalisés par le business, majoritairement blanc.
Avec Do the Right Thing, c’était la première fois qu’un Noir faisait un film en contrôlant tous les aspects (écriture, réalisation, production) et en portant le fer politique dans l’une des plaies sociales du pays, en synchronisme avec ce qui se passait dans le rap…
Do the Right Thing est peut-être encore plus d’actualité aujourd’hui qu’au moment de sa sortie. Aux Etats-Unis, les jugements partiaux selon la couleur de peau des prévenus ou des victimes se sont tellement multipliés que les Américains se sont révoltés, des émeutes de Ferguson aux manifs de NY et LA. La présidence d’Obama a tout changé symboliquement, mais pas grand-chose sur le terrain. Il y a 27 ans, la question des tensions raciales était surtout américaine. En France, nous étions encore solidement assis sur notre système (ou notre mythe ?) républicain, laïc, intégrateur, faisant de chaque individu un citoyen égal aux autres en droits et devoirs, quelle que soit sa couleur de peau.
Depuis, la crise économique durable, la permanence des ghettos urbains, la détérioration du tissu social, les processus de relégation, le 7 janvier et le 13 novembre sont advenus, mettant à l’épreuve notre éthos républicain et rouvrant toutes nos fractures sociales, ethniques, religieuses. A l’époque, Do the Right Thing était spécifiquement américain. L’évolution de la société française a rattrapé le film : aujourd’hui Do the Right Thing semble parler aussi bien de Saint-Denis, des Minguettes ou du XIe arrondissement de Paris que de Bedford-Stuyvesant. »

Spike Lee, « enfant terrible d’Hollywwood »

Naviguant entre Hollywood et cinéma indépendant- il a créé sa propre maison de production : « 40 acres et une mule », en référence à la promesse non tenue d’indemnisation faite aux esclaves noirs après la guerre de Sécession : 40 acres de terre à cultiver et une mule pour traîner une charrue-, Spike Lee a réussi à s’imposer en tant qu’auteur afro-américain tout en refusant de se conformer aux exigences du marché, réussissant à ne pas se laisser bâillonner- il garde toujours le « final cut ». Même s’il affirme « Je ne suis le porte-parole de rien ni personne » et s’il refuse d’être le « Noir » d’Hollywood, son cinéma se caractérise par une incontestable radicalité politique et culturelle et il fait profiter de sa réussite à d’autres cinéastes afro-américains en les produisant.
Soutien de Bernie Sanders et du mouvement Black Lives Matter, il a aussi appelé au boycott des Oscars en 2015.

Karim Madani

est l’auteur de « Spike Lee-American Urban Story ».
Né à Paris dans les années 1970, Karim Madani baigne depuis son plus jeune âge dans une culture américaine de polars, de comics, de films noirs, de jazz, de soul music, de funk et de bandes originales de films. Journaliste free-lance pour de nombreuses revues spécialisées dans les cultures urbaines et la musique afro-américaine, il est également l’auteur de Fragment de cauchemar américain= (2005), Hip-Hop connexion (2007), Les damnés du bitume (2008) et Cauchemar périphérique (2010).
Il est aussi journaliste free-lance pour de nombreuses revues spécialisées dans les cultures urbaines et la musique afro-américaine. Voici un extrait de la présentation de son livre sur Spike Lee :

..." Celui qui dit emmerder John Wayne et a menacé Wim Wenders avec une batte de baseball au festival de Cannes a influencé, dans le monde entier, la mode, le langage, les codes, l’esthétique, l’attitude, voire le folklore, de plusieurs générations.
Ce livre n’est pas une biographie exhaustive mais bien une ballade gonzo et rap n roll nourrie d’une approche journalistique dans la lignée des écrits de Nick Cohn, Nick Kent ou encore Jeff Wang. À travers la vie et l’œuvre de Spike Lee, c’est une certaine histoire de l’Amérique que nous sommes amenés à raconter, d’une Amérique noire pas encore totalement remise de l’épidémie de crack des 90’s, ni des drames nationaux provoqués par les attentats du 11 septembre 2001 et les dévastations de l’ouragan Katrina en août 2005, sans oublier les bavures policières de 2014."

"Fight the power" Public Enemy

Do The Right The Thing est le premier film à offrir une telle exposition à un morceau de rap. A la différence de Ferrara, le rap n’était pas seulement une musique d’ambiance qui devait souligner la dangerosité de la nuit new-yorkaise. Le texte de Public Enemy faisait office d’oracle.

Cette chanson sera incarnée par un seul homme : Radio Raheem. Durant le film, et jusqu’à son assassinat, il porte une parole répétée à travers un ghetto-blaster. Il erre dans le quartier afin d’écouter et faire entendre sa chanson, le seul répit survenant lors de l’épuisement des piles. Radio Raheem, l’un des personnages principaux du film, est celui que l’on entend le moins. Personnage solitaire, à qui l’on arrache difficilement un mot et qui impose la crainte par son physique et une mine renfrognée, il n’a que les paroles de PE à offrir au monde qui l’entoure. Sa vie ne tient qu’à son ghetto-blaster, qui semble être une extension de son corps. Il n’est parlé qu’à travers la musique. Le son qui en émane exprime les tonalités de son âme en même temps que le seul message qu’il veut faire entendre. Il laisse hurler son hymne qui ne trouve aucun auditeur attentif. Bien plus, il agace son monde. D’une certaine manière, Radio Raheem est pareil à Smiley, ce personnage qui bégaie et tente de vendre aux habitants du quartier les images de Malcolm X et Martin Luther King. Tous deux annoncent, à leur manière le désastre à venir...