Remue-Mémoire : Retour sur les origines du 1er Mai
Article mis en ligne le 30 avril 2020

par Webmestre

Lancée aux Etats-Unis, reprise en Europe par la IIe Internationale en 1889, travestie par Pétain, la journée du 1er Mai a une longue histoire.

Combien se souviennent du 1er Mai américain de 1886 et des martyrs de Chicago ? Du Congrès à Paris de la IIe Internationale qui décida, le 14 juillet 1889, de l’organisation d’une manifestation internationale à date fixe en faveur de la journée légale de 8 heures ? Du premier 1er mai 1890 où les ouvriers, en grève, défilent, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser le partage de la journée en trois -travail, sommeil, loisir ? Du 1er mai 1891 à Fourmies où des manifestants pacifiques sont chargés par la troupe, fusillés à bout portant par le « Lebel », fusil emblématique de la Grande Guerre, utilisé là pour la première fois ? Des neuf morts de Fourmies parmi lesquels un enfant de 11 ans et quatre femmes dont Maria Blondeau, 18 ans, qui ouvrait le cortège, un bouquet d’aubépines à la main ?

Tout a donc commencé aux Etats-Unis où de nombreuses manifestations de travailleurs ont eu lieu en ce début d’année 1886 pour réclamer la journée de 8 heures. Les affrontements avec la police sont souvent violents et le 3 mai 1886, à Chicago, il y a trois morts parmi les manifestants. Une marche de protestation est organisée le lendemain et, arrivée à Haymarket Square, alors que la manifestation se disperse, une bombe explose qui fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.

Huit militants anarchistes sont arrêtés. Seuls trois des huit suspects étaient présents au Haymarket Square le 4 mai mais comme le déclare le procureur lui-même lors du procès : « Ces huit hommes ont été choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent…Messieurs du jury, condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société ».

Le 11 novembre 1887, Albert Parsons, August Spies, Adolph Fischer, George Engel sont pendus. Louis Lingg s’est pendu dans sa cellule la veille. L’exécution sera effroyable car les nœuds furent mal disposés pour que l’agonie soit plus longue…le temps qu’August Spies crie ces derniers mots : « Le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ».

Le 25 juin 1893, John Altgeld, gouverneur de l’Illinois, démontrera l’innocence des accusés et les morts seront réhabilités.

En décembre 1888, à St Louis, le Congrès de l’AFL-principal syndicat américain d’alors- décide de faire du 1er Mai une grande journée revendicative des travailleurs, décision relayée l’année suivante par la IIe Internationale.

Jamais le muguet ne remplacera l’églantine

Le triangle est remplacé dès 1892 par la fleur d’aubépine avec un ruban rouge, en hommage à Maria Blondeau.

En 1895, le socialiste Paul Brousse lance un concours dans son journal, pour inviter ses lectrices à choisir une fleur symbole. Peu à peu s’impose l’églantine, symbole de la Révolution française et fleur traditionnelle du nord de la France.

En 1907, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace peu à peu l’églantine. Le brin de muguet est alors porté à la boutonnière avec un ruban rouge.

Après la Première Guerre mondiale, la presse organise la promotion systématique du muguet blanc contre la rouge églantine. C’est sous Vichy (1941) que la fleur traditionnelle d’Ile-de-France détrône définitivement l’églantine, Pétain faisant du 1er Mai la fête du Travail, à l’instar d’Hitler, dénaturant le caractère révolutionnaire de cette journée.

"L’histoire, c’est ce dont on se souvient et dont on parle"

« La sauvegarde du sens historique est essentielle, comme de partager son devenir. Et cela depuis les lointaines racines des luttes et des barricades. Bien avant que le dernier moteur de la dernière machine ne s’arrête, la classe ouvrière sera en danger dès que les prolétaires n’auront plus souvenir des barricades de juin 1848, de l’insurrection de Dresde, des fusillés du Père-Lachaise et de ceux du camp de La Bota à Barcelone…Quand plus aucun ouvrier ne récitera de mémoire un vers de Nazim Hikmet, de Pablo Neruda ou d’Aragon. Quand ils oublieront de se serrer les coudes. L’espoir, c’est d’être convaincus que nous ne serons jamais vaincus tant qu’un seul souvenir sera vivant » Jann-Marc Rouillan