Gérard Mordillat sera présent dès 13h45 pour signer ses livres, en particulier son dernier roman « Les roses noires ». Rencontre en partenariat avec la librairie « Les oiseaux livres » de St Yrieix
Présentation de Peter Watkins par Jean-Pierre Le Nestour
– un rebelle : personnage entier, irréductible, sans concessions
– un hérétique : contre les dogmes et les idées reçues
– une légende : a reçu l’Oscar en 1966 du meilleur documentaire pour un film de fiction !
– un empêcheur de tourner en rond qui filme comme il respire
– un électron libre
– un visionnaire
Synopsis du film :
Nous sommes en Mars 1871. Alors que la « télévision versaillaise » désinforme, se crée la « télévision communale », émanation du peuple des insurgés. Le film est un événement. Il s’attaque à un moment mythique de l’histoire de France : la Commune de Paris. Peter WATKINS s’insurge, dérange, bouscule. Il crée une œuvre cinématographique hors norme.
Un avis : Jean-Luc Douin (Novembre 2007)
Ce film sur la Commune de 1871 a été enregistré dans un hangar de Montreuil (les locaux de la troupe d’Armand Gatti), avec des comédiens non professionnels, des volontaires qui participèrent aux recherches pour élaborer le scénario, choisirent pour la plupart les personnages qu’ils désiraient interpréter, improvisèrent en grande partie leurs dialogues ou monologues…
Tourné en treize jours, en suivant scrupuleusement la chronologie des événements, il brouille sciemment les notions de documentaire, de fiction ou de reconstitution historique. Et sape les critères habituels du document télévisuel et de la saga hollywoodienne pour forcer le spectateur à réfléchir sur la forme du film, lui enseigner la méfiance, l’encourager à contester la subordination aux médias. La Commune, joué par des chômeurs, intermittents du spectacle, sans-papiers, provinciaux, Montreuillois, permet au public de jouer sa propre histoire, de faire le lien entre les enjeux de la révolution parisienne de 1871 et ceux de Mai 68 ou d’aujourd’hui…
On a pu lire, sous la plume d’historiens du cinéma stigmatisant telle ou telle tentative, qu’il était impossible de filmer une révolution. Watkins prouve le contraire. "La Commune" se moque des faits, ignore Louise Michel et Jules Vallès, pour filmer une pensée, des idées, donner la parole au peuple, signifier que cette période marqua le début d’une réflexion. Et renvoie des échos contemporains : le racisme, le rôle des femmes, l’inégalité sociale, la censure, l’école...
« C’est à mes yeux le premier vrai film qui ait été réalisé sur la Commune. » Jacques Rougerie, historien
« La Commune, c’est une guerre des pauvres qui ont un luxe : l’utopie »
Peter Watkins
Conférence de Jacques Rougerie à Belfort en 2007 (extraits)
« Je soulignerai l’importance du choix d’un arrondissement parisien, le XIe populaire. C’est probablement le plus représentatif du Paris Peuple d’alors, et c’est heureusement celui pour lequel il existe une documentation spécialement abondante. Mais surtout choisir un fragment populaire de Paris, c’est se donner le moyen de s’abstraire d’un aspect déformant de la réalité ; ce qui se passe en haut, à l’Hôtel de Ville où siègent les élus de la Commune, pour s’intéresser à ce qui s’est passé tout en bas…. Peter Watkins n’a pas cherché à « raconter », à représenter tout ce qui s’est passé dans le Paris de 1871, toute l’histoire de la Commune, si complexe en dépit de sa brièveté. Il faut choisir. Watkins a choisi, et ce n’est pas un hasard, un questionnement troublant sur la nature de la démocratie, qui est en effet le vaste problème que pose – aujourd’hui du moins - la Commune… Peter Watkins a choisi clairement ce point de vue. Ce qu’il « montre », c’est ce questionnement populaire, confus, tâtonnant, contradictoire ; il évoque le conflit entre les « gérants » de la Révolution, membres lointains de la Commune à l’Hôtel de Ville, mais aussi chefs militaires d’une Garde nationale sans discipline, et des hommes et des femmes en insurrection, en bas ; tout en bas. On appelle en effet cela, de manière assez simplette, l’histoire vue d’en bas…
Il ne s’agit pas de faire revivre, si réalistement que ce soit le passé, de tenter cette « résurrection » que voulait Michelet. Le passé est bien passé. Il s’agit de comprendre les « raisons » de ce qui s’est produit, du moins de le tenter. Que fait d’autre Watkins. Il n’impose pas, il n’assène pas de sens. Le spectateur n’est pas un « citoyen passif ». Il est appelé à réfléchir, à se sentir partie du débat, à prendre parti, mis qu’il est en situation de dégager lui-même le sens de ce qu’il voit en conjuguant les informations qu’on lui offre : scènes et images, cartons à la Brecht, explicatifs ou qui situent le moment : ils font effet de distanciation pour donner l’occasion, le temps au spectateur d’exercer sa réflexion critique…
L’histoire dominante est, on le sait aujourd’hui, mais les historiens ont mis bien longtemps à reconnaître – l’histoire des vainqueurs : peu sont ceux qui la trouvaient partiale, ou précisément, anachronique. Ne serait-ce que pour secouer un peu l’arbre de la connaissance, pour faire l’histoire oubliée des vaincus condamnés au silence des sources, pourquoi ne seraient-ce pas des oubliés, des exclus d’aujourd’hui qui auraient le droit prendre la parole et d’exprimer le problème, à charge, à peine bien entendu d’être contestés et contredits ?
Le point de vue de Peter Watkins : la monoforme
Depuis 50 ans ou plus, surtout depuis l’arrivée de la télévision, les MMAV ont accéléré la standardisation de leur format, en employant un dispositif narratif saccadé, extrêmement répétitif et fragmenté, accompagné d’un bombardement sonore intense : le cinéma comme la télévision ainsi, hélas, que beaucoup de documentaires, nous y ont habitués. Cette « Monoforme », comme je l’ai appelée, est maintenant systématiquement appliquée dans 95% de l’ensemble des productions télé et cinéma. Elle a également été adoptée dans les radios commerciales.
Ces réflexions et mes tentatives de remise en cause du format Hollywoodien standard de la TV et du cinéma (que j’appelle « la Monoforme ») ont entraîné la marginalisation progressive de mon travail.
Pour résumer, la Monoforme est la structure narrative Hollywoodienne reposant sur un montage rapide et une construction rigide et fermée. Cette forme narrative cinématographique, avec sa structure d’une rigidité étouffante et ses innombrables astuces pour retenir l’attention du spectateur, contamine 95% du cinéma actuel, et ses clones forment la quasi-totalité des informations télévisées, émissions de jeux et de débats télévisés et quantité de documentaires.
Notre film, La Commune, représente une tentative délibérée d’utiliser une combinaison de formes cinématographiques et un processus humain alternatif, afin d’échapper aux contraintes de la Monoforme. Cette tentative n’est pas uniquement le fruit de mes propres besoins créatifs, mais résulte également de l’urgence qu’il y a à trouver un type de processus collectif qui puisse surmonter la relation hiérarchique imposée par les médias envers le public. L’un des plus graves problème avec la Monoforme est sa structuration délibérément conçue pour empêcher tout processus de réflexion et d’esprit critique de la part des spectateurs ; c’est là où la durée de notre film et la forte dynamique de parole insufflée par les comédiens jouent un rôle de premier plan...
La Commune est un film très spécial par son approche cinématographique, et par le processus qu’il a enclenché avec les personnes qui y apparaissent. Ces personnes ne sont pas des acteurs traditionnels interprétant un script ; ils se montrent tels qu’ils sont – citoyens de la France de 1999 – recréant certains épisodes de la Commune de Paris, développant leurs propres réactions à ces événements et aux liens existant entre ces derniers et l’état de la société contemporaine. Les « acteurs » – dont la plupart n’ont aucune expérience préalable en tant que comédiens – se sont impliqués dans un processus complexe et collectif de recherche et de discussion, avant et pendant le tournage, et nombre de leurs idées et sentiments s’expriment dans le film, de même que leurs réactions aux événements de la Commune.