"Pacifiction-Tourment sur les îles" d’Albert Serra le 4 avril à 20h Le Lido
Article mis en ligne le 23 mars 2023

par Webmestre

Avec : Benoît Magimel, Sergi López, Marc Susini, Pahoa Mahagafanau, Matahi Pambrun…

France, Espagne, Allemagne, Portugal 2022 Scope 2h45mn

Prix Louis Delluc 2022 César du meilleur comédien à Benoït Magimel

Synopsis : Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République, De Roller, représentant de l’État français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français…

Le film vu par la critique :

Libération novembre 2022
"Pacifiction est le titre d’un film qui ne ment pas sur l’endroit où l’on met les pieds  : un champ de visions suaves et obscures, un espace de fantasmes éveillés, où spectateurs et spectatrices trouveront le trip le plus entêtant de la saison. Ce sont presque trois heures à se laisser engloutir dans un drôle de paradis noir, qui glisse de couchers de soleil en fluorescences nocturnes, dans des lagons bien trop bleus pour les yeux des mortels. Ainsi se révèle une île de Tahiti où les tensions postcoloniales apparaissant comme tamisées, parvenues à un point de somnolence."

A voir/A lire février 2023
"Tourment sur les îles relève du thriller politique et du récit psychologique. La figure du Haut-commissaire est omniprésente sur l’écran, alors que petit à petit, l’ampleur de la trame se révèle aux yeux du spectateur. Une scène fascinante montre Magimel sur un bateau s’ébrouer contre des vagues immenses. Son travail de commissaire ressemble en tout point à cette séquence, dans la mesure où il doit affronter des raz de marée inévitables en tournant autour de la force de l’écume. On mesure la complexité des enjeux, les risques qui pèsent sur les épaules du fonctionnaire, et la fragilité de l’équilibre politique et social à Tahiti. Le rythme est volontairement lent. Albert Serra pousse le spectateur dans une ambiance moite, dangereuse, loin des images d’Épinal des îles du Pacifique.
Tourment dans les îles est une œuvre proprement envoûtante. Non seulement elle valorise l’immense talent de Benoît Maginel, mais en plus elle le magnifie."

Les Inrockuptibles novembre 2022
"Magimel (moins légendaire que Léaud, mais presque aussi génial) incarne De Roller, étrange fonctionnaire polynésien aux airs de roitelet colonial, gouvernant ou plutôt régnant d’une façon vaporeuse, immatérielle (il n’a pas de bureau, pas de papiers, pas vraiment de mission précise, il déambule d’une discussion informelle à une autre, travaillant toujours et jamais), sur une île endormie où grandit la rumeur d’une reprise des essais nucléaires, rumeur dont il veut démêler le vrai du faux.
Albert Serra a saisi la magie de son acteur principal et fait reposer sur lui toute l’alchimie du film, c’est-à-dire une volonté de ne parler que de pouvoir, que de politique, mais d’une façon extrêmement charnelle, corporelle, animale, presque sauvage. Et Magimel a exactement cela en lui : c’est, comme on dit dans les documentaires LCP, une “bête politique”, et toute l’hypnose qu’il produit vient de sa faculté à mettre sa présence de taureau, tour à tour séduisante, menaçante, mais aussi parfois encombrante et grotesque, au service de rapports de force qui ne se disent pas et pourtant sont en permanence en jeu."

Propos d’Albert Serra :
"Suivre quelqu’un, épouser la courbe de ses pensées, savoir tout ce qu’il pense mais ne pas en savoir plus, être à sa hauteur, avoir l’impression qu’en parlant il continue à penser ou qu’il se parle à lui-même..., tout cela me plaît beaucoup. Dans Chinatown de Polanski par exemple, Jack Nicholson est présent dans chaque scène et le spectateur découvre les choses en même temps que lui. Il ne possède que les informations dont Nicholson dispose. C’est pareil dans Pacifiction, le spectateur est toujours avec Magimel, à l’exception d’une brève scène de boîte de nuit, d’ailleurs sans enjeu. Il partage en direct cette espèce de paranoïa que le personnage, tout en gardant un calme olympien, promène avec lui et dont l’objet n’est, c’est le moins qu’on puisse dire, pas clair. Ne reste que l’important l’ambiguïté fondamentale de l’être humain. J’emploie le mot « flou » en un sens extrêmement positif. Je trouve les films actuels affreusement explicatifs et didactiques. J’ai l’impression qu’ils s’adressent à des enfants à qui il faudrait sans cesse tout expliquer… "