Jeudi 14 janvier 2010 Cinéma Le Lido à 20h30
THE MOLLY MAGUIRES
Un film de Martin RITT Etats-Unis 1969

Avec Sean Connery, Richard Harris, Samantha Eggar...
Version intégrale inédite

Article mis en ligne le 1er janvier 2010

En 1876, dans les mines de charbon de Pennsylvanie, des mineurs sont sans défense, exploités de façon éhontée pour les besoins de l’industrie en plein essor. Une seule consolation dans leur misère, les exploits des « Molly Maguires », société secrète qui venge par la violence les injustices faites aux ouvriers. La police décide alors d’infiltrer cette organisation et envoie sur place un détective qui réussit à entrer en contact avec eux...

Le film est magnifique. Presque inédit, en fait. Sorti, oui, mais quelques jours à peine, en 1970, sous le titre « Traître sur commande », dans une indifférence absolue (et amputé de 19mn). Son réalisateur, Martin Ritt, est l’un de ces humanistes obstinés qui se seront battus toute leur vie pour faire passer à Hollywood leurs convictions d’homme de gauche. « The Molly Maguires » est sa plus belle réussite. Dès les premiers plans -sans dialogues, juste la musique de Henry Mancini-, on sent poindre le chef-d’œuvre...
La photo de James Wong Howe, l’un des plus grand chefs opérateurs du Hollywood de jadis, est admirable : il éclaire la mine à la bougie et, dans les extérieurs, crée ce qu’on pourrait appeler une « lumière noire », comme infiltrée par des parcelles de charbon.

Pierre Murat Télérama mercredi 9 septembre 2009

Sans doute à cause de leur expérience commune avec le maccarthysme, Ritt et son scénariste suscitent une double lecture, actualisent les sentiments et les émotions sans jamais forcer l’Histoire. Le film devient une réflexion sur la liste noire, un pamphlet colérique contre le mouchardage..., une vraie réponse idéologique à « Sur les quais » (1954), et la dernière séquence nous parle de trahison et de remords en des termes très contemporains qui renvoient directement à Kazan...

Bertrand Tavernier et Jean Pierre Coursodon
50 ans de cinéma américain

Martin Ritt

Né à New York, fils d’immigrés juifs. Il rejoint très jeune le Group Theatre, une troupe créée par Lee Strasberg. Il fait ses débuts à Broadway en 1937 dans Golden boy. Après la guerre, il s’essaye à la mise en scène de théâtre et dirige en 1946 sa première pièce à Broadway. Il réalise également de nombreux petits films pour la télévision. Soupçonné de sympathies communistes, il est inscrit sur la liste noire et chassé des studios par le maccarthysme. En 1957, il tourne son 1er film Edge of the City. Il choisit souvent des sujets qui lui tiennent à coeur comme le maccarthysme (The Front en 1976 avec Woody Allen), les luttes syndicales (Norma Rae en 1979 qui valut un oscar et un prix d’interprétation à Cannes à son actrice principale, Sally Field.)...

L’opération « Molly Maguires ».

Une appellation controversée qui ne fut jamais revendiquée par les révolutionnaires eux-mêmes. Employée depuis une vingtaine d’années dans la presse patronale pour désigner tout ce qui était à la fois irlandais et non correct, l’expression avait des origines nébuleuses, les uns évoquant le nom de la veuve d’un pauvre Irlandais catholique persécuté un siècle plus tôt par de riches protestants, d’autres prétendant que les révolutionnaires se travestissaient en femmes pour opérer... On en étiqueta tout ce qui de près ou de loin pouvait être attribué aux actions d’un groupe particulièrement combatif issu de l’Ordre antique des Hiberniens (société irlandaise d’entraide et de solidarité liée organiquement à l’Eglise catholique) , mais indépendant de lui, ne fût-ce que par sa vision syndicale et révolutionnaire de la situation du monde du travail.

Dès 1873, des dizaines de détectives privés, de mouchards et de provocateurs infiltrèrent alors le milieu des mineurs, commettant des actes délictueux, voire ouvertement criminels...
Pendant 3 ans, ces agents agissent, avec le feu vert des autorités régionales, sous la direction de James McParland qui sera l’unique témoin à charge du procès... Son témoignage se traduira par 19 condamnations à mort lors d’un simulacre de procès : jurés sélectionnés parmi des Américains d’origine allemande maîtrisant à peine l’anglais, mais tous de religion protestante, et chez des Gallois, traditionnellement hostiles aux Irlandais et dans les rangs desquels la police privée puisait l’essentiel de ses effectifs...

17 condamnés seront pendus le 21 juin 1877 en deux endroits différents...
James McParland peut monter en grade. Pinkerton lui confie sa plus grosse agence, celle de Denver, avec les 400 agents qu’elle regroupe. On le retrouvera plus tard organisateur de l’extermination méthodique des chefs du Syndicat des pilleurs de trains...
En 1978, à la suite d’une campagne opiniâtre de descendants des victimes et des syndicats ouvriers, Milton J.Sharp, gouverneur de Pennsylvanie, accordera un « pardon posthume » à Jack Kehoe, l’âme de la révolte, en déclarant, lors d’une commémoration officielle : « Nous pouvons être fiers de ces hommes connus comme Molly Maguires parce qu’ils firent face avec bravoure et fierté à ceux qui entendaient assimiler le syndicalisme à une conspiration criminelle. »

Roger Martin L’empire du mal ? Dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis.