France 2022 Fiction 1h22 Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2022
Avec : Théo Cholbi, Mohamed Mouffok, Pierre Lottin, Omar Boulakirba, Amine Zorgane…
Scénario : Philippe Faucon, Yasmina Mini-Faucon, Samir Benyala
Présentation du film par Philippe Faucon (extraits du dossier de presse)
C‘est une histoire d’hommes pris dans la guerre. Et, concernant les harkis, d’hommes pris dans un piège qu’ils sentent se refermer sur eux. Ceux qui les ont côtoyés pendant cette époque les ont souvent décrits comme de « blocs de silence ». Tous existent comme des personnages dans le film, mais avec peu de traits, car chacun est dans un repli sur soi. Il y a peu de place pour l’épanchement…
Il ne s’agit pas de ne pas prendre parti, mais de trouver à dire la complexité, d’éviter les simplismes, les manichéismes, d’exprimer le plus possible toutes les vérités. Ce qui n’est pas simple car les vérités peuvent être multiples et rester en conflit…Les hommes qui ont vécu la Guerre d’Algérie ont aujourd’hui entre 80 et 90 ans. Je me rappelle que l’un d’eux avait eu cette formule, au moment d’un débat autour de "La Trahison" : « La page de la Guerre d’Algérie ne doit pas être arrachée, mais il faut trouver à la tourner ».
Avis critiques
Philippe Faucon a beau s’attaquer aux questions parmi les plus épineuses du débat national, l’immigration, les discriminations, le postcolonialisme, etc., le cinéaste ne signe jamais des œuvres à sujet. Il fait du cinéma, souvent avec des non-professionnels, cherchant avec eux quelque chose d’unique, venu de l’intérieur, susceptible d’être porté à l’écran. Ce patient travail révèle des portraits sensibles de personnages que la société efface souvent derrière des catégories : Après "La Trahison" (2005), chronique de la désillusion d’un lieutenant français pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), Philippe Faucon revisite les dernières années du conflit avec Les Harkis, présenté à la Quinzaine des réalisateurs : le film explore le sentiment d’abandon qui s’empare des soldats algériens, engagés aux côtés de la France (Le Monde)
Nul doute, ainsi, que « Harkis », déplaira au niveau officiel et chez les « bien-pensants », autant en Algérie qu’en France. Voilà pourquoi il faut saluer ce film admirable de Philippe Faucon, qui réussit la gageure de surmonter à peu près tous les obstacles pour nous offrir, à partir d’une situation complexe, un récit à la fois rigoureux et prenant. En s’attachant au vécu personnel de ces harkis qui ont eu « tout faux » pendant la guerre et l’ont payé durement...
Philippe Faucon, ne cherchant ni à absoudre ni à accabler les harkis, en dit finalement plus sur ce que fut la guerre d’Algérie avec cette chronique à hauteur d’homme, jamais simpliste et dénuée de tout pathos, que la plupart de ceux qui ont proposé des récits héroïques, accusateurs ou compassionnels sur le conflit. On retrouve là, filmé au cordeau, ce qui avait fait la réussite, déjà à propos de la guerre d’indépendance, de son film "La Trahison" en 2005. Et celle, plus récemment, de "Fatima", magnifique portrait d’une courageuse femme de ménage maghrébine.
Une enfance passée en partie en Algérie explique sans doute chez Faucon l’envie d’aborder de tels sujets. Tout autant que son souci de donner chair aux « invisibles » et aux oubliés de l’Histoire. Rien d’étonnant à cet égard si son film a été produit par les frères Dardenne, avec lesquels il partage ce dernier désir (Jeune Afrique)
"Les Harkis" n’est pas un film de guerre, pas non plus un film sur la guerre. Il y a plusieurs raisons à cela. Avant tout, c’est un film sur la guerre d’Algérie, une histoire singulière qu’il n’universalise pas, ne prend pas de haut ni de loin au nom de toute l’humanité. Au contraire, il y va, il entre, et il précise. Son sujet, dès son titre, il n’en fait pas mystère : à la fois historique et brûlant, venu d’un passé qui ne passe pas, de blessures mal refermées. Comment elles furent ouvertes, et par qui, il raconte. On saura d’ailleurs, à chaque plan, de quoi il parle, ce qu’il montre. Les Harkis, son titre l’annonce, sera un portrait de groupe. C’est un titre de tragédie grecque. On saura qui compose ce groupe. On saura, dans chaque cadre, tout de suite, où regarder, quoi voir, qui entendre. On verra, pour chaque personnage, chaque acteur, le plus fugace, qui est là. C’est à ça qu’on reconnaît encore le cinéma, en Philippe Faucon, toujours, un cinéaste, en "les Harkis" un grand film. (Libération)